Prison

 

Seule dans ma cellule, je n’ai rien d’autre à faire que ressasser ma vie. Une vie entière passée à rêver à un ailleurs où je serais libre, où je ferais ce qu’il me plaît, à un ailleurs où je déciderais moi-même de ma propre existence, où…

Quand je dis seule, c’est un peu faux, nous sommes deux par cellule de dix mètres carrés. Nous voyons le soleil, nous disposons d’une cafetière, je ne suis pas à Guantanamo quoi.

On ne se connaissait pas mais on s’est tout de suite bien entendues, c’est une fille, comme moi. Je ne sais pas quel est son crime. Mais je crois qu’elle est là de sa propre initiative.

Quand ils ne viennent pas m’emmerder avec leurs ridicules tâches de réinsertion, je lis. Et là, je me sens libre, comme avant. Ce sont les livres qui m’ont donné le goût de la liberté. Peut-être sont-ce eux qui m’ont emprisonnée aussi, finalement, certainement. Les gens qui ne lisent pas ne s’évadent pas ailleurs, ils ne veulent pas s’évader d’ici, car peut-être est-ce un endroit qui leur convient. Je ne sais pas. Car j’ai toujours lu.

Ma colocataire, lorsqu’elle sortira, retrouvera la maison qu’elle et son ami ont fait construire.

Moi, je n’ai bâti ni demeure, ni relation, je n’ai pas d’ami qui m’attende à ma sortie et pas de murs enracinés dans un crédit foncier.

Et c’est très bien ainsi.

Je crois qu’elle attend un enfant aussi, lorsqu’il naîtra, ils lui permettront de partir.

Je n’ai pas d’enfant non plus. C’est drôle car je suis plus âgée qu’elle. Mais même si personne ne sera là pour m’accueillir à la sortie, même si je ne retrouverai rien et que ma vie sera plus vide encore qu’ici, je veux partir. Car je vais crever à petit feu en faisant semblant d’exister.

Pourtant, c’est confortable, il n’y a rien à dire, les gens sont sévères, un peu particuliers, mais on s’y fait…C’est l’inaction qui me tue. Je ne peux même pas arpenter la cellule à petits pas affairés car elle est trop petite et je ne suis pas affairée.

Je m’ennuie et cela me fatigue. Même parler me fatigue au bout d’un certain temps. Parfois, je n’ai même plus envie de lire, tellement je sais que toutes ces histoires qu’ils racontent ne m’arriveront jamais. Moi, mon histoire, c’est celle que je vous raconte en ce moment.

Celle d’une vieille enfant de vingt-huit ans qui ne sait pas quoi faire de sa vie et erre de cases en cases, en priant très fort pour faire un double six et sortir du jeu le plus vite possible.

Je suis aujourd’hui fonctionnaire au sein d’une collectivité territoriale. Ma cellule, c’est le bureau du Directeur, ma colocataire, ma collègue de travail, il y a pire, c’est ce que je vous disais, mais moi je n’en peux plus. C’est ça l’histoire. Je veux partir.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :