Confusion monologuesque de nos esprits étonnés

 

Ma parole … on s’est bien emmerdés tous les deux chez eux, hein ? On se serait cru chez les fous. Mais c’est quoi tout ça ? Oh, tout va bien, tout va bien, suffit, on connaît personne, alors « tout va bien », à d’autres. Que faire dans un monde où la tradition s’est épurée au point qu’il reste plus que des souris et des hommes dans les égouts ? Rimbaud avait raison avec son enfer. La vie est incestueuse ou elle n’est pas, mais j’en peux plus de ce monde à la con … Et puis je me sens si seul depuis qu’il est parti. C’était mon meilleur pote…On se connaît depuis la naissance…S’il avait pas été là, je crois que je serais mort de rage…De rage, oui Messieurs ! Soupirez jeunes gens, mais ça existe la rage dans l’Amitié d’aujourd’hui ! Il sait toujours quand ça va pas. Il sait même ce qui se passe dans ma tête, comme s’il y était. Et puis moi je l’ai cru. J’ai cru qu’il était moi et lui pareil. On était des recto-verso inversés et moi j’ai envie de pleurer mes tripes tellement il me manque. Ca fait un tel vide dans mon … dans mon quoi d’abord ? Dans mon corps ? C’était pas Nostradamus quand-même ? Alors pourquoi il me manque, comme ça ? C’est foutu pour toujours maintenant…Foutu, tu m’entends ? On peut rien recommencer avant que j’ai revu la Dame Blanche. Je sais plus quoi faire. Il me manque tellement…Désolé…, c’est pas avec toi que je veux parler, c’est avec lui. C’est à cause de moi qu’il est mort ?…A cause de moi…simplement. «  Non, dis-je…, songeur…, c’est pas à cause de moi. On meurt pas pour une fille, même quand on l’aime. C’est pas vrai. C’est du cinéma…Et puis, il m’aurait pas laissé tout seul, rajoutais–je aussitôt, après deux minutes de réflexion intense…, on meurt pas sans ses amis. Les femmes, y en a partout, les amis comme moi, ça court pas les rues. »Alors pourquoi il m’a laissé tout seul, ce con ? Et sans explication en plus. J’ai même pas su si je l’aimais vraiment. Je veux dire, ces choses là, ça doit se sentir non ? Mais on parle si peu. On voudrait tout oublier par peur d’être vu bête, mais je ne suis pas bête. Je crois que je le suis mais je ne suis pas bête. On ferait gober un œuf à une mouche si on voulait. On fait bien gober la maternité d’un ange alors… Pff…, faut-il être con… ! Tais-toi…, tu vas te mettre à dos les intégristes ! Rien à foutre moi des intégristes, tuez-moi si vous voulez, si vous savez comme je m’en fous ! J’irai le rejoindre au moins comme ça ! C’est que des mots de toutes façons ! Lui, c’était pas des mots. C’était pas des actes, c’était pas des pensées, c’était pas des robes, des slips et des caleçons, c’était pas de la sensualité à tout casser, c’était pas des yeux à vous attrister le cœur quand ils vous lancinaient sa dépendance d’exister ! Il savait même pas pourquoi il souffrait. Il avait une sœur, un père, une mère, des amours, des emmerdes, des amis : une vie, quoi ! Et il savait même pas pourquoi il souffrait quand-même. Putain ! J’ai jamais compris moi-même. Il a eu une vie étrange. Bercée entre les vagues et le vent, le feu et la glace, les tourments et les sanglots, le rire et le chant, les cons et les enfants, le soleil et la lumière électrique, la lune et les ailes, la cire et la colle. Il a pas su y faire, le con !…Et c’est affectueux, vous y trompez pas ! Je l’aime ce mec… ! c’est mon ami… ! pour la vie !… Même si ma vie n’a plus aucun sens maintenant... Non, plus aucun...Et j’sais pas si quelqu’un ici-bas y redonnera goût à cette mandarine trouée d’urine à charbon …Je pète les plombs de travers Angelo si tu savais…Tu peux pas imaginer toi : tu te rends même pas compte de ton existence …Tu souris et je rêve …! Je te voyais et ça me suffisait ! J’étais heureux quand t’étais là, Angelo, si tu savais…J’étais si heureux, si tu savais… ! Si t’avais su… ! Si t’avais su comprendre ce que moi-même je comprenais même pas, si t’avais su être intelligent un peu, quand je l’étais pas, bordel de Dieu, Angelo …!!! C’était pas si compliqué de me comprendre, quand-même, non ? ! Je suis si froid que ça que t’oses pas croire que je t’aime…?! Mais, bon sang, Angelo…, y a quoi dans mes yeux , putain, pour que tu crois ça ? Rien…, dis-moi…, Angie…, rassure-moi, y avait rien du tout vraiment ? Rien du tout pour que tu comprennes rien comme ça ? Je suis si con que ça, Angie… ? En plus de tout , je suis si con que ça … ? ! Et ben dis donc…, si c’est pas du gâchis tout ça …, je te jure ! Si c’est ça vivre alors…: moi je préfère mourir. Mourir de plaisir, de vivre et d’envie, mais pas d’avoir été trop con à vingt ans. Non putain, Angie ! La connerie, à vingt ans, ça n’existe pas, ça n’a jamais existé, c’était que des conneries tout ça ! Des mots, que les adultes ils ont inventé pour nous faire peur de la mort. Alors que nous, on s’en foutait de la Mort, hein, dis Angie, qu’on s’en foutait de se balarguer dans les fossés quand on roulait trop vite dans nos bagnoles usées, quand on trouait nos chaussures au dessus des ponts pour les ouvrir après et qu’on mangeait des glaces sans sucer les bons bâtonnets…!  Quand on se tapait des filles qu’on enviait par dessus tout et qu’on méprisait quand-même parce qu’elles étaient trop belles pour nous ! Quand on était fatigués de vivre et qu’on savait même plus pourquoi, hein, Angie ? Quand nos grands-parents mouraient et nous forçaient à comprendre la tristesse quand nous, on voulait rire, danser et chanter … ! Tu te rappelles de ça, hein Angie ? Oui, tu te rappelles... Je sais bien que tu te rappelles… T’as jamais rien oublié de toutes façons… Mémoire d’éléphant et œil de lynx, voilà ce que t’étais, Angie …! Mais t’as perdu tes yeux et sauté à pieds liés sur ta mémoire en pensant qu’elle t’oublierait avant toi. Et ça frissonne Angie…, ça frissonne … Ca t’a fait si mal mon pauvre Angie, tout ça…Si mal et tu te demandes encore pourquoi. Toi qu’avais tout pour plaire, tu seras jamais heureux. Pourquoi ? On sait pas mon pauvre Angie. Si je pouvais te répondre, je t’écrirais ma réponse sur du papier doré et je te l’enverrais vite fait, je t’assure. Tout te réussissait à toi Angie. Qu’est-ce que je l’enviais ta beauté d’Angelot gracieux tombé du Ciel et qu’a jamais compris la Vie comme elle était ! Qu’est-ce que j’aimais ces cheveux blonds qui te donnaient l’air de mourir en plein jour ! Et toi, tu riais Angie et tu comprenais rien comme d’habitude ! Tu riais tellement ! J’ai cru que ça allait bien moi dans ta tête ! Un peu le vague à l’âme, mais bon, comme tout le monde ! Pas de quoi se fouetter les os quand-même ! Et tu continuais à sourire Angie…,bravement…, vaillamment…, quant tout autour de toi prenait l’eau et t’abandonnait au moment où t’avais le plus besoin d’eux. Je sais pas pourquoi on a rien vu, Angie. Je sais pas. Non, le théâtre, c’est pas pour moi et pourtant je t’aimais, Angie, comme un frère, et j’ai rien vu quand-même. Mais pourquoi t’as rien dit ? Pourquoi quand tu pleurais, tu secouais la tête en disant que tout allait bien ? Pourquoi tu nous sortais tes théories bio-philo-cosmologo-politique à la con qui voulaient rien dire quand on les voyait pas comme tu voulais ? Toujours si têtu, Angie, aussi. T’aurais voulu que le monde entier se modèle sous tes yeux ! Comme si t’étais le potier le plus puissant du monde et que rien ne pouvait t’arrêter ! Comme si t’étais pas comme tout le monde et que t’en souffrais tellement que t’allais bouffer le monde pour te venger ! Elle me chawatte le cœur, Angie, ta musique de fou, nostalgique des temps modernes ! Tu vivais pas dans la même onde que nous, ça, j’en suis sûr maintenant ! Et pourtant, tu voulais garder les pieds sur terre ! Tu voulais aider la planète entière…! Je me rappelle Angie, tu voulais égayer toutes les fleurs et les souris du monde pour te plaire à toi-même ! Je me rappelle quand tu parlais de tes voyages autour du monde en voilier, de tes sorties aériennes au bras d’une colombe, de tes chaussettes de soie vernies qui juraient dans ta cravate à pois sortie des placards de ta grand-mère que t’adorais par dessus tout ! Parce qu’elle te comprenait, elle ! Y en a qu’arrivaient à te saisir au vol Angie ! Moi, j’ai jamais rien compris parce que tu m’expliquais jamais rien. J’ai fait des efforts pourtant, mais comprends-moi, Angie, je pouvais pas déchiffrer tes hiéroglyphes quand y avait déjà trop d’ombre dans les miens ! Ta tête, c’était une énigme Angie ! Et pourtant qu’est-ce que je t’admirais Angelo, putain ! J’ai honte même tellement je t’admirais ! ça devrait pas exister les gens comme toi Angie ! ça étouffe trop le cœur des autres. Surtout quand ils comprennent pas l’essentiel, quand ils comprennent pas la seule chose qui aurait dû leur sauter aux yeux depuis le début, quand ils comprennent rien, mais rien, quand ils sont tous paumés autour de toi, Angie, et qu’ils peuvent même plus t’aider, quand ils font tout pour te rassurer et que ça sert même plus à rien …de toutes façons tout est perdu d’avance pour toi Angie…Tu souffriras trop dans ta vie… T’es trop calme, trop pur, trop beau, trop jeune, trop sensible, trop instable, trop tourmenté, trop gai, trop amusé, trop triste, trop ensoleillé par les nuages pour survivre ici…T’es trop comme eux pour qu’ils t’aiment….Trop doué, tu fais trop d’efforts pour qu’ils te détestent… Ils te haïront, te ramolliront, te flagelleront, te béniront, te crucifieront, te tortureront, te troueront les méninges avec des ratons-laveurs s’ils pouvaient Angelo…, mais t’as eu raison de partir Angie...Putain, t’as eu raison…J’aurais dû faire comme toi à ton âge…J’aurais dû me tirer…Mais maintenant, c’est trop tard, ils m’ont piégé à mon tour...Je me reconnais plus, mais tant pis. Je t’avais même oublié, tu vois comme ils nous torturent ici ! Pire que la dictature ! La foi ensorcelée d’amour visqueux amoncelé entre le ciel et la terre. Quand y a plus rien qui chie de toutes façons Angie, je m’aime pas beaucoup, non, plus du tout même, depuis que t’es parti ! Si tant est que t’es jamais été là. Plus du tout, du tout. J’ai perdu totalement confiance, je perds tout, j’oublie même ma tête dans le bus comme on me l’avait prédit quand j’étais p’tit. Qu’est-ce qu’ils m’ont fait chier ceux-là quand j’étais p’tit, putain ! Et ils continuent ! tu crois que ça va s’arrêter un jour, mais non ! Ils continuent, ils continuent, ils s’arrêtent jamais eux, trop résistants les mecs ! Le cœur en plastique et l’estomac en béton ! Y a rien qui les assassine comme Pascal ! Même pas les pommes ! Tu verrais ça leurs pommes, c’est même plus des pommes, c’est des vers en plastique !…Et j’ai les yeux qui s’éteignent en plus…, en pensant à toi, à quand t’étais là…, à comme on s’amusait en pensant à rien qu’à nos voitures et à nos poupées gonflables ! Qu’est-ce qu’on était bien tous les deux, Angie, comme des frères …comme le frère que j’ai pas eu et que j’ai regretté toute ma vie, jusqu’à chez toi. Jusqu’à la maison en sable au bord des sapins qui côtoie la mer. Et le sel que tu jetais partout dans la montagne ! Comme c’était con ! Pardon…, c’est vrai…, j’avais oublié…, toujours aussi susceptible, hein ! Je sais que tu l’aimes bien ta susceptibilité ! T’aimes bien tout chez toi ! Y a pas un truc que tu détestes ! Fabuleux ça ! Même chez les glaçons ça n’existe pas les mecs comme toi ! Et moi qui captais rien ! Et moi qui te jalousais sans vouloir voir ta souffrance ! Ah, parce que pour rien au monde j’aurai voulu que tu le perdes ton sourire qui décrochait les étoiles quand le soleil chantait la lune et tous les astres de la terre ! Pour rien au monde, putain, j’aurais voulu qu’il s’arrête de tourner ton sourire ! Mais ma tête explosait de honte quand je te voyais Angie, d’être si parfait, quand moi, à côté, je valais rien, ou pas grand-chose à tes yeux ! Comment j’aurais pu comprendre quoi que ce soit ? Que c’était pas mal de s’aimer soi-même, quand dehors ils nous rabattait les tympans avec leur culpabilisation de victimes mal léchées !…J’ai même plus la force de les insulter en plus, tellement ils m’ont déçu pendant toutes ces années…A cause d’eux, je t’ai pas aimé quand t’étais là, Angie, et j’ai perdu le meilleur ami de la terre entière…, sans rien comprendre qu’eux d’ailleurs…Et pas toi. Toi tu semblais pas souffrir de cet étouffement ! Tu prenais ça avec tellement de légèreté que je croyais que t’assumerais toujours les coups avec le cœur et la bonne humeur…Mais comment j’ai pu être con à ce point Angie ? ! Comment ? ! Je me le demande. Comment j’ai pu rien voir à ton sourire qui flânait trop dans tes yeux de vingt ans rebellés !? Comment j’ai pas compris plus tôt que derrière l’assurance, il y avait la peur et derrière la peur il y avait l’inconnu et que ça te terrorisait encore, quand moi je continuais à faire comme eux ?! A me le cacher bravement que j’avais toujours aussi peur…. Je crois que si j’ai rien vu, Angie…, c’est que j’étais comme toi en fait, malgré mon âge, malgré mes quarante-cinq ans bien frappés et bien tendus par les orgies dorées de ma jeunesse passée…., et bien passée,….foutue même, j’allais le dire. Elle est foutue ma jeunesse Angie, elle est foutue, comme la tienne, mais moi j’ai vécu au moins ! Et je t’ai pas laissé t’aimer comme tu voulais ! Je t’ai transformé à mon image sortie de mes freudismes enfantins et j’ai pas vu qui t’étais ! Je veux dire : toi. Pas l’autre. Voir l’autre, c’était pas dur. C’est le même que tout le monde ! Y avait qu’à gueuler pour le faire sortir, l’autre ! Mais toi, toi c’est pas pareil, toi il fallait t’appeler avec une petite voix douce pour pas te faire peur ! On aurait dû t’apprivoiser comme un chaton, Angie, si on avait voulu t’aimer, Papa et moi ! Mais c’est comme ça, on n’y peut rien. Et tu peux rire maintenant et te foutre de notre gueule à tous les deux, qui restons là, comme deux vieux cons à se regarder ruer quand autour de nous, y a plus personne pour se cabrer ! Ah, on est bien tous les deux maintenant, tiens ! On a plus rien à se dire ! Tu connais ton père, silencieux comme une taupe, pour lui arracher trois mots il faut y aller à la tenaille à crécelle, sinon …le tombeau de Jésus-Christ en personne le réveille pas. J’espère qu’il veille sur toi, lui, s’il existe ! Au moins qu’il serve à quelque chose de bien ! Désolé, mais je peux pas m’en empêcher, Jésus ! Vous me pardonnerez, je le sais, je vous connais bien vous aussi, même si je ne vais plus au sacrifice des moutons… C’est mon bébé vous savez…, et on l’a tué son père et moi…

Sans faire attention …, on l’a laissé tombé du berceau un jour où il criait trop fort pour nous…

 

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